Le meilleur jour de la semaine. Vendredi. Je n'organisais jamais rien ce jour-là, car le vendredi tout le monde le sait, il y a match. Et qui dit match, dit Absolem sur le terrain et normalement, moi en pompom girl. Aujourd'hui, je ne participais pas à la chorégraphie, je préférais passer un moment en famille avec mes parents et ma soeur. Enfin ma soeur.. normalement. Elle ne vient jamais aux matches d'Abso, et ça me dépasse. Ça m'énerve aussi. Et ça énerve ma mère. En fait, ça fait chier tout le monde mais elle s'en contrefiche. Je me prépare vite fait dans ma chambre avant que l'on décolle de la maison, et je tente de motiver Babylon pour venir avec nous au stade. Je prend une grande aspiration, un peu pour me donner du courage surtout, et pour ne pas péter un câble tout de suite, pour enfin rentrer dans la chambre de ma soeur. Comme je m'y attendais, elle est assise dans son lit entrain de lire un bouquin. Non mais sérieusement, elle a que ça à faire ? Je lâche un soupir, ne pouvant m'empêcher de faire autrement. « T'es toujours pas prête ? » Ton accusateur, oh que oui.

Waouh, quel accueil. Je ne l'ai pas agressée non plus, j'ai juste un peu insisté sur le ton. Et puis j'en ai marre que Baby ne vienne jamais aux matchs avec nous, ça me gave. C'est un truc familial et elle en a totalement rien à foutre. Franchement, ça en devient limite blessant. Je la foudroie du regard quand elle répond par une question, c'est pas ce que je lui ai demandé. « C'est pas la question que j't'ai posé. » Sur ces mots, je ne la quitte pas une seule seconde du regard, la défiant comme à mon habitude. J'ai envie de lui arracher ce livre des mains, si elle continue à ne rien faire de ces journées, elle va devenir obèse la pauvre. Faut se dépenser un peu, mais je crois qu'elle n'a pas ce mot dans son vocabulaire. « Papa et maman attendent. Abso aussi d'ailleurs. » dis-je en soupirant le plus fort possible, pour bien l'emmerder jusqu'au bout. J'en ai marre qu'elle joue la rebelle, elle pourrait au moins faire plaisir à maman, ça serait sympa de sa part.

Elle m'exaspère, je vais finir par lui arracher les cheveux si elle continue à me parler comme ça. En même temps, je ne suis pas hyper tendre non plus, mais elle le cherche j'ai envie de dire. Mon sang ne fait qu'un tour quand Babylon refuse catégoriquement de se joindre à nous. Elle ne fait vraiment aucun effort c'est insupportable. « Tu fais aucun effort. » Je soupire, dégoûtée par ce comportement puérile. On dirait que je suis plus âgée qu'elle par moment, ça craint pour elle la pauvre. Et soudain, j'ai une petite idée qui germe dans ma tête, un grand sourire machiavélique se dessine sur mon visage et je m'approche de son lit, restant quand même debout. « J'pense que j'vais te tenir compagnie cet aprem, après tout t'es ma soeur adorée, tu comptes bien plus que le foot. » Outch, ça m'arrachait presque la bouche de dire ça. Et surtout de rater le match pour rester avec Baby qui allait m'insulter toute la sainte journée. Ça fait un petit moment que nous ne réussissons pas à parler normalement, et j'ai l'impression que ça va durer encore longtemps.

Et allez, j'ai le droit à une énumération de tous les trucs chiants que ma soeur exerce. Je soupire, levant les yeux au ciel pour bien lui montrer que ça ne m'atteint pas le moins du monde, mais elle continue. Des fois, faudrait peut-être qu'elle voit les signes que lui envoie, parce que ça craint là. En plus, elle commence à hausser le ton et ça me plait moyen. Je crois que je ne vais pas rester longtemps en fait, j'aurais jamais dû lui proposer ça. « T'es mauvaise langue, j'suis sûre d'être venue à un de tes trucs d'arbalète là. » Bon, c'est le tir à l'arc mais je veux l'embêter un peu, alors je déforme mes propos, toujours en affichant un grand sourire moqueur. Je vais concrètement la rendre dingue, mais après tout c'est plutôt amusant. « On va bien s'amuser j'suis sûre. » rétorquais-je alors, lui faisant un petit clin d'oeil, l'air amusé. Ouais, y'a peut-être moyen qu'elle me foute une tarte un de ces jours, mais bon, il ne vaut mieux pas qu'elle ose. « Un footing ça te dit ? » demandais-je d'une voix sérieuse, sachant pertinemment qu'elle n'aime pas trop ça. Voire pas du tout. En tout cas, pas autant que moi qui fait trois footings minimum par semaine.

Je rumine de l'intérieur, elle va vraiment finir par me rendre dingue, et je vais peut-être finir en taule si elle continue. Il suffirait que je prenne sa petite lampe de chevet et que je le lui casse sur la tête, c'est plutôt banal entre deux soeurs non ? Parfois, ça me fait vraiment mal de voir où on en est arrivées toutes les deux, mais par fierté je ne dis rien. Je ne sais pas si j'arriverais à ouvrir mon coeur à Babylon, ça me parait inenvisageable. « Si tu l'dis. » soufflais-je, exaspérée. Je commence sérieusement à en avoir marre, du coup je la laisse avoir du dernier mot, je suis trop las pour surenchérir. Ma grande soeur se lève alors, un air très énervé accroché au visage. J'aurais pu prendre peur, mais ça va, je suis confiante. Elle veut que je me casse ? Oh non, ça lui ferait bien trop plaisir. Alors je reste plantée là, croisant mes bras sur ma poitrine en la scrutant. « Tu m'détestes tant que ça ? » demandais-je en arborant un sourire moqueur, même si au fond, j'attendais vraiment beaucoup de sa réponse.

Je ne m'attendais pas du tout à une réaction aussi impulsive de la part de Baby. A croire que je ne la connais plus. Plus du tout. J'ai l'impression que tous les ponts entre nous se sont effondrés, et en fait, ça me fait mal. Elle me hait ? Vraiment ? J'ai beau être forte, je ne peux pas l'être constamment. Alors je flanche un peu, chose rare chez moi. Mes yeux s’embuent, et je sens à peine la pression qu'elle exerce sur mon bras pour me faire sortir de sa chambre. Je n'aurais jamais pensé qu'elle me détestait à ce point, et surtout qu'elle voulait vite déménager pour ne plus avoir à nous voir. A me voir. Je me plante devant la porte, ne pleurant pas. Pas devant elle, ce serait montrer un quelconque signe de faiblesse, et je déteste être faible. « Très bien. » dis-je froidement, tentant par tous les moyens de lui balancer une horreur à la figure, mais je n'y arrive pas. Je n'y arrive plus, tout simplement. Je me contente donc de sortir de sa chambre, lui adressant juste un regard noir - mais aussi attristé.