J’ai l’impression d’oublier quelque chose et, me connaissant, il n’y aurait rien de surprenant à ce que ça soit vraiment le cas. Je fais un petit tour sur moi-même afin de voir chaque partie de la cuisine au cas où ça m’aiderait à trouver ce qui manque. Je suis de repos aujourd’hui et à vrai dire je n’ai pas vraiment laissé le choix à mon chef. C’est un jour spécial et même si mon mariage bat de l’aile – principalement à cause de moi – il faut que je fasse de mon mieux pour me rattraper. Il est vrai que je me pose tout un tas de questions dernièrement, mais je sais tenir à ma vie comme elle est, tenir à ma femme bien que je ne sois pas très doué pour lui démontrer en ce moment. Toutefois, il y a au moins une chose que Juliet ne peut pas me reprocher qui est d’oublier une date anniversaire. Jamais je n’oubli et je sais très bien que c’est l’anniversaire de notre mariage. J’ai passé ma journée à éviter d’en parler pour ne pas vendre la mèche, mais surtout pour lui donner l’impression d’avoir oublié afin d’atteindre le niveau de surprise que j’espère lorsqu’elle rentrera. La maison vide depuis des heures, j’ai mis notre fille dans la confidence la laissant ainsi passer la nuit chez une camarade de classe tandis que son petit frère est chez ma sœur.  Ainsi, j’ai pu profiter de tout l’après-midi pour préparer à la fois le repas fait par mes soins ainsi que le salon dans une ambiance des plus romantiques … tout du moins je l’espère. Cependant, maintenant que l’heure approche, je sens l’angoisse me gagner de plus en plus. Ma dernière vérification m’affirme que je n’ai rien oublié, j’en profite pour aller me changer avant que Juliet ne rentre du travail. Ceci fait, je dévale les escaliers pour gagner la porte d’entrée où je commence à faire les cent pas en écoutant attentivement tous les bruits de voiture jusqu’à reconnaître celui de son véhicule. Lorsque c’est le cas je cesse subitement de marcher et je fixe le bois de notre porte d’entrée, inspirant et expirant doucement afin de faire diminuer ma crainte qui me retourne l’estomac.

Je ne devrais pas angoisser comme je le fais, seulement c'est plus fort que moi. J'ai agis comme le dernier des goujats ces derniers mois alors que Juliet ne le mérite pas. Notre vie n'est pas celle que nous espérions mais nous sommes deux à en être responsable, je ne devrais pas agir comme je le fais avec elle, pas alors qu'elle fait de son mieux pour arranger les choses. Je ne dis pas que je ne la soutiens pas, ce n'est pas le cas. Dès qu'il est question de l'éducation de nos deux enfants nous faisons toujours en sorte d'être du même avis afin de s'assurer qu'aucun de nous deux ne perde son autorité. Non, c'est ailleurs que je joue l'idiot. Je lui mens et il est vrai que je n'aime pas ça et que je tiens à me rattraper. Je ne cesse de me poser des questions, seulement si je ne fais rien pour arranger les choses, ces questions continueront de me torturer. Alors pour bien faire les choses, pour tenter de préserver ce que l'on a, j'ai décidé qu'il était temps que je mette la main à la pâte. Commencer par préparer quelque chose pour notre anniversaire de mariage me semblait être une bonne idée, mais je n'ai pas la moindre idée de l'humeur dans lequel sera Juliet en rentrant du bureau. Voilà la raison principale pour laquelle j'angoisse comme jamais alors qu'elle ouvre la porte de notre maison. J'ai tellement peur que même son sourire ne parvient pas à me détendre immédiatement. Je reste droit comme un piquet, plus tendu que jamais. Ce n'est que lorsque ma femme me demande si je vais bien que je parviens à me détendre, voire même à sourire légèrement. « Oui. » Débuté-je en secouant doucement la tête de bas en haut. « Hormis que j'ai l'impression de te redemander en mariage, je vais très bien et toi ? » Autant lui demander comment s'est passée sa journée, ça me permettra de me détendre une bonne fois pour toute. Je souris une nouvelle fois après qu'elle m'ait embrassé et je me tourne en direction de la cuisine dès qu'elle me dit ce que ce j'ai fait est adorable. « J'ai pensé que ça serait plus agréable de fêter ça à la maison, juste tous les deux. » Pas d'enfants. Pas d'habitants de Dillon à nous épier par curiosité humaine. Uniquement un mari et sa femme tentant de fêter leur mariage mais aussi de recoller les morceaux d'une relation battant de l'aile.

Il m'arrive depuis des années de m'angoisser pour de petites choses qui peuvent sembler être sans intérêt pour certaines personnes mais qui en ont beaucoup pour moi. J'aime faire les choses comme je les imagine et lorsque je n'y parviens pas j'ai toujours cette peur de décevoir. Même si j'ai été élevé par des parents aimants et sans cesse en train de me pousser à réaliser mes rêves, j'ai fais une grande partie de mes actions passées pour les rendre fiers et désormais je ne peux pas m'empêcher de vouloir sans cesse faire les choses bien, trop bien. Évidemment, cet anniversaire de mariage est ce que je dois faire de mieux, surtout avec la relation que Juliet et moi partageons dernièrement. Je pense être l'unique fautif dans cette histoire. Je suis celui qui m'éloigne de ma femme, celui qui semble totalement perdu, qui ne sait plus où il en est, un peu comme si je me trouvais dans la crise la quarantaine avec trois ans d'avance. A sa réflexion je souris même si je me sens toujours aussi tendu. Une nouvelle demande mariage n'est peut-être pas une mauvaise idée, surtout lorsque l'on sait que celle que je lui ai fait dix-sept ans plus tôt était précipitée et avant tout faite à cause de la naissance d'Avalon. Pourtant, je ne regrette pas ou tout du moins pas totalement car dire que je n'ai aucun regret serait un mensonge puisque j'ai préféré abandonner bien des rêves pour subvenir aux besoins de ma famille. Je chasse vivement toutes ces pensées dans mon esprit. Ce n'est pas le moment de revenir là-dessus, d'autant que je suis heureux de ma vie malgré tout. Je continu de sourire en l'écoutant me parler de sa journée et j'apprécie le fait d'entendre qu'elle est heureuse d'être à la maison. C'est une bonne chose, c'est une très bonne chose et j'espère sincèrement que la soirée ne fera qu'améliorer notre relation. « Je suis parfaitement d'accord et Avalon semblait un peu trop joyeuse quant au fait de passer la nuit ailleurs ... » Je fronce les sourcils. J'ai tendance à m'inquiéter un peu trop pour mes enfants ou pour mes nièces et même si j'ai quelques soupçons quant aux raisons qui ont pu rendre notre fille aussi joyeuse, je tente d'oublier et de me focaliser sur ce qui compte pour ce soir : nous. « Non. » M'exclamé-je en la regardant des pieds à la tête. « Tu es parfaite comme ça. » Affirmé-je en lui adressant un large sourire. Premièrement, ce n'est que la stricte vérité, deuxièmement autant passer à table tant je peux avoir faim et troisièmement, j'aimerais assez qu'elle évite de voir notre chambre … pour l'instant.