Un jour les gens apprendront que laisser une bougie se consommer au-dessus d'un téléviseur n'est pas une bonne idée … oui un jour, mais en attendant ce n'est pas le cas et je soupire, désespéré, alors que les dernières flammes s'éteignent. En tant que pompier – de garde que plus est – je me dois d'être prêt pour n'importe quelle intervention même si ce n'est que pour sauver un chaton coincé dans un arbre. Cette nuit ce n'est pas le cas et je plains sincèrement la famille qui vient de voir une partie de sa maison finir en cendres à cause du manque de jugeote de leur adolescente. « Pensez à aller voir votre assurance dans la matinée demain et surtout n'oubliez jamais d'éteindre vos bougies peu importe si vous pensez qu'il n'y a pas de risque. » Dis-je à l'adresse des parents de la famille tout en posant mon regard sur leur fille. Ça pourrait très bien être Avalon, hormis que ma fille à peur du feu et qu'elle n'irait pas même craquer une allumette, mais qu'importe. Je tourne finalement les talons et vais aider mes collègues à ranger le matériel après quoi, une fois derrière le volant du camion, j'allume le moteur et quitte les lieux. Voilà pratiquement vingt-quatre heures que je suis debout et je commence à sentir la fatigue me courbaturer les muscles et me piquer les yeux. Dans le camion, j'observe rapidement Thomas, Julian et Danneel piquer du nez. Il est temps que notre garde se termine même si nous en avons pour quelques heures encore. De nouveau concentré sur la route, je fronce les sourcils lorsque plus loin j’aperçois une silhouette familière. Je retire doucement mon pied de l'accélérateur et le place au-dessus du frein pour m'arrêter au niveau de la jeune femme. « Ana ? » L'interpellé-je pour attirer son attention vers moi, même si avec le camion ce n'est pas bien difficile. « Monte ! » Dis-je en agitant la tête vers le camion pour lui faire comprendre que c'est plus un ordre qu'une suggestion. Je n'aime pas vraiment voir Anaëlle se balader toute seule en pleine nuit et ça aurait été le cas avec n'importe quel enfant de ma famille. Je donne un coup sur l'épaule de Thomas qui se réveille dans un sursaut, ce qui m'amuse. « Passe derrière, Ana va monter devant. » Chuchoté-je pour ne pas réveiller les deux autres. Thomas se contente d'opiner du chez et de suivre mon ordre tandis que je me penche sur la droite pour ouvrir la porte devant laquelle ma nièce apparaît.

Il pourrait être surprenant de voir avec quelle rapidité mes collègues se sont endormis à l'arrière du camion, mais ce n'est pas le cas, pas pour moi. Lors de mes premières années comme pompier j'avais eu bien du mal à rester éveillé lorsque j'avais fais des gardes aussi longues que celle d'aujourd'hui. M'endormir en rentrant d'une mission m'était arrivé plus d'une fois, raison pour laquelle je ne pouvais que les comprendre. Quant à moi, plus les années passaient et plus je perdais le sommeil sans trop savoir pourquoi. Peut-être me suis-je fais à ces horaires un peu particulières que nous impose le métier de pompier … je ne sais pas trop. Toujours est-il que c'est une excellente chose que ça soit moi au volant et pas l'un de ces gaillards sinon bonjour les soucis. Focalisé sur ma conduite, ce fut grâce à cela que je remarquais Anaëlle sur l'un des trottoirs, marchant seule dans la rue au beau milieu de la nuit. Continuer mon chemin sans la prendre en route était tout bonnement hors de question. Même si Dillon n'est pas la ville la plus dangereuse des États-Unis, ce n'est pas pour autant que je vais laisser ma nièce se balader toute seule, nous ne sommes jamais à l'abri de quoi que ce soit. Le véhicule arrêté à sa hauteur et la jeune femme faisant le tour de ce dernier pour y monter, j'attends qu'elle ait fermé la porte pour redémarrer. Sa réplique me fait sourire. Elle me connaît par cœur et le fait qu'elle ait pris les devants avec sa remarque en est la preuve. « Tu aurais osé me faire passer pour l'oncle le plus médiocre de la ville ? » Demandé-je en lui lançant un regard indigné pour aussitôt reporter mon attention sur la route. Un petit rictus fini par prendre doucement place au coin de mes lippes. « Je m'en doute, mais savoir que tu te balades toute seule dans la rue ça me rassure moyennement. » Dis-je dans un léger soupire. Je suis un peu trop protecteur sur les bords, mais à mon âge on ne se refait pas. « Qu'est-ce qui se passe ? Et n'ai pas peur de parler, c'est pas ces marmottes qui vont entendre quoi que ce soit. » Affirmé-je sans me départir de mon sourire.

Comment ne pas prendre un air outré en entendant ma nièce me dire que me faire passer pour le pire oncle qui soit ne l’aurait pas dérangé ? C’est tout bonnement impossible, mais cet air qui pris place sur mon visage était tout aussi faux que ces paroles. Je connais assez bien Anaëlle pour savoir qu’elle me taquine et j’ai pour habitude de lui rendre la pareille. Elle sait ainsi que je ne prends pas de tels propos au sérieux et que mon expression blessée n’est pas sincère. « Je prends note, je dirais à ta mère d’être moins gentille avec toi à Noël. » Dis-je en plaisantant. Ce n’est pas comme s’il s’agissait de la pire menace qui soit, à moins de s’appeler Killian et d’avoir quatre ans, mais ce n’est pas le cas et la jeune femme sait très bien que je la cherche. Un sourire fier vient prendre place au coin de mes lèvres alors qu’elle m’affirme que c’est parce que je m’inquiète pour mes proches qu’on m’aime. Si je peux être mauvais et sévère lorsque je le souhaite, je reste un gros nounours les trois quarts du temps, j’en ai bien conscience et je le vis plutôt bien. Vint ensuite la question que je ne pus retenir. J’ai besoin de savoir pour quelle raison ma nièce se balade toute seule dans la rue au beau milieu de la nuit et si un long silence fini par prendre place dans le camion, n’étant brisé que par quelques ronflements provenant de l’arrière, je ne la force pas à parler. J’attends qu’Anaëlle décide de se lancer d’elle-même, ce qu’elle finit par faire. « Je vois. » Commencé-je en jetant brièvement un regard dans sa direction. « T’as essayé les infusions, il parait que ça fonctionne … » Je n’ai pas de problèmes liés au sommeil, je n’ai jamais essayé les infusions, mais je propose juste au cas où même si je risque de passer pour un type naïf. « Y a une raison particulièrement à cette insomnie ? » Fini-je tout de même par demander, ma curiosité l’emportant sur tout le reste.