Tu avais, comme tous les autres, retrouvé les bancs du lycée. Cela était loin de te déranger au contraire, les études c'était ton domaine, ce qui te mènerait haut et loin de Dillon dans un proche avenir. Le seul bémol, c'est que ces premiers jours tu t'ennuyais quelque peu en cours. Etant donné que tu avais passé la majeure partie de ton été à avancer sur le programme de cette année, tu es forcément bien en avance par rapport aux autres. Alors finalement ce n'est pas plus mal car tu es un peu ailleurs ces temps-ci, tu n'es guère concentrée par cette situation familiale qui te ronges. Tu aimerais pouvoir faire quelque chose et pourtant tu n'as toujours pas réussi à trouver un compromis qui puisse satisfaire tout le monde, surtout avec ta mère qui ne cesse de te mettre à l'écart de tout ça ne en te répétant que ça ne te regarde pas. Et pourtant toi aussi tu es affectée à cause de cette ambiance électrique qui règne à la maison. Cette dernière était d'ailleurs bien calme quand tu rentrais à la fin de ta journée. Tu eus très vite ta réponse sur le pourquoi du comment, car il ne semblait y avoir personne. C'était bizarre de voir ce lieu aussi silencieux, vu le climat de froid qui s'y était installé depuis le retour d'Ana et de Sasha. Tu t'apprêtais à monter les escaliers pour rejoindre ta chambre, mais tu eus la soudaine envie de grignoter quelque chose. Te retrouvant dans la cuisine, tu sortais pain, dinde, fromage, tomate et mayonnaise du placard et frigo pour un sandwich rapide. Te posant sur une des chaises face à la table, tu t'attelais à la tâche et en moins de deux minutes tu avais fini ton oeuvre qui ne tarderait pas non plus à finir dans ton estomac. Sortant ton livre d'histoire de ton sac, tu lisais quelques pages tout en dévorant ton sandwich. Absorbée, le monde n'existait tout simplement plus autour de toi.

   

   La solitude, elle te pèse comme elle peut te réconforter. Il y a ces moments où t'as besoin d'être seule pour étudier, pour rêver, ou tout simplement profiter du moment présent. Mais parfois tu préférerais nettement ne pas avoir à affronter la solitude lorsque ton esprit est ailleurs que sur terre, quand tu réfléchis trop, quand tu te tracasses pour un rien. Donc en ce moment, il était préférable pour toi de te trouver en bonne compagnie plutôt que de te ronger le sang dans ton coin. Ce fut avec une légère déception que tu t'installais dans la cuisine, ouvrant tout bouquin pour fuir la réalité. Tu espérais que ta soeur n'allait pas tarder. Vous ne vous étiez croisés que brièvement dans la journée, et pas assez suffisamment pour avoir ta dose quotidienne de bavardages avec ton ainée." Rosy ? " alors que la porte venait à peine de s'ouvrir." Je suis là ! " disais tu avec la bouche encore à moitié pleine. Tu te dépêchais de finir d'avaler ta bouchée avant qu'un large sourire apparaisse sur ton visage en la voyant au seuil de la cuisine. Tu secouais la tête pour rejeter ses excuses. Tu pouvais attendre après tout, tu n'étais plus à quelques minutes près dorénavant." A force de vouloir t’avancer, t’auras vraiment une année d’avance si tu ne t’arrêtes pas un jour ! " Elle n'a pas tort mais bon c'est toujours mieux que de rien faire." Je commencerai le programme de la fac tant pis, puis bon il y a toujours plein de trucs à apprendre. " Tu n'étais pas non plus arrivé au point extrême de connaître les livres de la bibliothèque par coeur donc tu as encore beaucoup de marge." Et en plus de ça, t’as ruiné mes chances de me faire un sandwich " Tu levais les yeux au ciel pour paraitre innocente même si c'était peine perdue." Une envie soudaine, je n'ai pas pu y résister. Mais bon sinon on peut se commander une pizza ? " Tu rangeais ton livre dans ton sac car il n'avait plus lieu d'être sous tes yeux, tu avais trouvé une autre occupation bien plus enrichissante et agréable." Pepperoni ? Quatre fromages ? Végétarienne ? Choisis mais c'est moi qui paye. " lui demandais-tu alors que tu t'apprêtais déjà à composer le numéro de la pizzeria." Comme ça on aura assez de forces pour discuter tout le reste de la soirée. " Ca paraissait logique que tu la kidnappes pour les quelques heures à venir.

   

   Etre en présence de ta soeur c'est comme admirer un arc en ciel, ça emplit tes yeux de paillettes." Tu finiras par te marier avec un livre, pauvre fille ! " Sourire au coin des lèvres, ses paroles étaient loin de te faire mal, après tout elle avait un peu raison, vu que tu te préoccupais plus de tes études que des hommes, quand bien même tu es une romantique dans l'âme. Il faut aussi dire que les histoires d'Ana t'ont un peu refroidi notamment sur la réaction de tes parents si tu venais à leur présenter un homme comme ton petit ami." Partante ! Même si je n’ai toujours pas compris comme une fille comme toi peut engloutir autant de chose à la minute ! " Tu te doutais qu'elle n'allait pas pouvoir dire non, ce serait un crime que de refuser une offre si alléchante." Malheureusement on ne peut pas tout avoir dans la vie. Toi tu as eu le droit d'hériter d'un certain humour et moi de la gourmandise. " Heureusement que tu ne prenais pas un gramme. Alors que son choix se portait sur une pepperoni, tu passais rapidement commande." Dans vingt minutes, on pourra se jeter sur cette pizza. Ce n'est donc pas aujourd'hui que tu vas mourir de faim." Ni demain, ni un autre jour d'ailleurs, tu refusais d'être une fois de plus séparée de ton aînée et encore moins définitivement." Et toute la soirée même ! Les parents ne rentrent pas ce soir. " Un "oh" synonyme de surprise se dessina sur ta bouche. Tu n'étais pas attristée au contraire, vu que cela vous laisserait à toutes les deux le temps de respirer. Il était fatiguant de subir toute la tension qui régnait depuis des mois au seing de la maison." Et bien ce n'est pas plus mal. Au moins je n'aurais pas mal au crâne ce soir. " avant de mordre dans ton sandwich bientôt terminé, mais tu avais toujours de la place pour un peu de pizza." Tu sais les parents sont têtues, peut être que si Charlie se rangeait à tes côtés, tu obtiendras plus d'eux. " Malgré la complexité de la situation, tu essayais de croire qu'une issue, pacifique si possible, était toujours possible.
   

   Ces moments d'espièglerie avec ta soeur, t'avais cruellement manqué. Elle n'était pas ta seule famille mais en son absence tu t'étais vraiment sentie seule. Pour toi elle n'était pas que ton aînée mais également ta confidente, ton double, ton rayon de soleil. D'ailleurs ce n'était guère agréable que de voir la tristesse sur son doux visage depuis son retour à Dillon. Alors forcément quand tu la voyais sourire et rire comme aujourd'hui, tu ne pouvais être que toi même heureuse. Forcément quand elle t'annonçait que vous passeriez la soirée toutes les deux comme aucun parent ne viendrait vous dérangeait, tu étais totalement ravie et puis c'était aussi l'occasion d'avoir son ressenti par rapport à Sasha, tu t'inquiétais affreusement pour elle. Aucune mère ne devrait être privée de son enfant et pourtant Ana avait été obligée de subir cela. Tu évoquais la possibilité que Charlie puisse être alliée si seulement vous arriviez à lui faire comprendre mais Ana n'était pas du même avis que toi."  Tu parles ! " Tu baissais les yeux un instant. Peut être n'aurais tu pas du aborder le sujet pour éviter de la mettre en colère mais ton côté altruiste avait eu le dessus par rapport à la raison." C’est leur fille parfaite, Charlie. Elle les suivra quoi qu’ils fassent. Au fond, je suis persuadée qu’elle est jalouse que je sois tombée enceinte. Elle n’aurait jamais accepté de prendre en charge Sasha, si elle avait au moins été fichue de tomber elle-même enceinte ! " Et bien c'était franc de sa part, énormément même. Tu étais quelque peu mal à l'aise, n'aimant pas franchement voir tes soeurs être aussi froides l'une envers l'autre. Ce n'est pas une famille ça. Si seulement tout pouvait être comme avant." On ne peut pas la blâmer pour ça. C'est normal de sa part d'être triste à ne pas être capable d'avoir un enfant. Alors oui, ce n'est pas la meilleure des solutions que de présenter Sasha comme sa fille mais qu'est ce qu'une femme ne ferait pas pour être mère ? " Tu ne cautionnais pas les actes de Charlie mais ce n'est pas pour autant que tu la détestais d'avoir fait un mauvais choix dans le but de connaître les joies d'être mère. " On est tous égoïste quand il s'agit de notre propre bonheur. Mais elle reste ta soeur et c'est pour ça que je pense qu'elle peut reconnaître sa faute. "